Pour une pratique philosophique du « Livre des transformations »

Cycle d’ateliers 2022

Ces ateliers visent à partager l’approche nouvelle que François Jullien a proposé de ce livre dans son essai Figures de l’immanence en 1993.

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Ce cycle a été conçu par Anne Lelièvre-Eychenne, adhérente de l’association depuis sa création. Les premiers ateliers auront lieu à Toulouse, son lieu de résidence. Que vous soyez intéressés à y participer ou à en créer un dans votre localité, vous pouvez la contacter à anlelievre.decoincidences@orange.fr

 

Note d’intention

Dans son introduction à Figures de l’immanence,  en 1993 François Jullien écrivait (P15) :

               “A eux deux, trait plein et brisé ne chiffrent aucun message mais suffisent à reproduire, par leur seul rapport d’opposition-corrélation, la polarité à l’œuvre dans tout le réel ; et par leurs divers modes d’interversion au sein de la figure, ils en donnent à voir la transformation continue.”Ou encore sur la nécessité de le « pratiquer » (P.13) :               « Aussi le lecteur pourra-t-il suivre comment les formulations du texte canonique se rapportent étroitement aux figures et font sens avec elles. Chemin faisant, il y découvrira ce que peut être une pensée où tout n’est envisagé (…) qu’à partir de “figures” (plutôt que de concepts) ainsi qu’en terme de processus. Au terme du parcours, enfin, il sera en mesure d’évaluer l’aptitude de l’idée de transformation à rendre compte, à elle seule, de tout le réel.”

Avec ses 64 situations et son mode aléatoire de consultation, on peut comparer le Livre des transformations  à un “simulateur” du monde tel qu’il s’offre à notre observation. A la façon de ce qui advient entre le ciel et la terre et qui lui sert de métaphore première, ses ressorts sont la polarité et l’interaction :  le “je suis” y cède la place à une recherche d’interaction fertile avec un éventuel “tu es ” proche ou éloigné. Fonctionnel et métaphorique en même temps, ce livre “mime” le processus de conservation/transformation du monde auquel chaque jour nous assistons. Ainsi peut-il aussi bien évoquer une colline avec ses deux versants qu’une vallée, un lac, un fleuve, un puits, un oiseau… Et au bout du compte, peut-il évoquer toutes les façons dont le monde se rend manifeste, c’est-à-dire nos façons également. Inclus de fait dans le monde, nous voilà invités par ce livre à procéder à sa façon.Les commentaires métaphoriques que nous y lisons ne sont pas des modèles à imiter mais des incitations discrètes à penser/agir à bon escient, c’est-à-dire aussi en fonction de la position que nous occupons dans une situation. Position par rapport à l’autre en général (sur le mode de l’interaction ciel/terre) et à tous les autres (mus, c’est de l’ordre du constat, par cette même interaction). En bref, pour saisir l’intelligence processuelle qui fait la cohérence intime de ce livre, rien ne vaut d’abord d’en tester les effets sur soi, donc de le pratiquer mais sans pour autant lâcher le fil de sa réflexion…

Et quelle meilleure façon pour le faire que de philosopher à son sujet ?

PREMIER ATELIER : “DECOUVERTE”

PLAN DE TRAVAIL

Un auteur – deux livres – un concept

1. Découvrir le Livre des transformations (LDT) en le pratiquant.

2. Le pratiquer philosophiquement à partir de l’essai de F. Jullien, Figures de l’immanence. Le temps de ce travail en atelier, mettre de côté les interprétations ésotériques, pré-philosophiques ou mathématiques que nos cultures en ont jusqu’à ce jour donné.

Visée philosophique de ces ateliers

a) Se rendre attentif aux nouveaux possibles qui émergent de toute pratique grâce au processus de maturation qui se déploie en chacun de nous du seul fait de pratiquer. Processus de maturation appelé communément « expérience » que nous avons souvent tendance à considérer comme mineure, à rattacher seulement à l’usure du temps…

b) Capter ces nouveaux possibles en «pratiquant » le Livre des transformations ( LDT ) :

  • capter ceux, susceptibles de frapper à notre conscience, qui ont trait à nos convictions
  • capter ceux, susceptibles d’impliquer l’autre, qui ont trait à nos modes d’action.

c) Enrichir notre façon de questionner philosophiquement nos pratiques.

d) S’appuyer sur les essais philosophiques de F. Jullien (1993/202..) pour les éclairer.

Si nous convenons aisément que la transformation est au cœur de nos vies à travers le processus d’usure et de vieillissement, pratiquer le Livre des transformations nous la fait expérimenter également en tant que processus d’épanouissement et de renouveau et maintient à fleur de notre conscience, que « l’un » ne peut pas exister sans « l’autre » puisque l’un contient en potentiel l’autre et inversement.

Enrichir notre façon de questionner la pratique :

  1. Les oppositions abstrait/concret ou théorie/pratique peuvent-elles stériliser les possibles que porte en elle la pratique ?
  2. Penser le progrès avec un grand “P” peut-il conduire à empêcher de progresser?
  3. Le mot « pôle » au singulier suffit-il à penser une polarité ?
  4. Imposer une « procédure » facilite- t-il toujours le « processus » que l’on veut favoriser ?
  5. Avoir confiance en l’autre relève-t-il seulement de la naïveté ?
  6. La liberté est-elle un pur donné ou un possible que nous pouvons choisir ou non de mettre en pratique en fonction de la situation rencontrée ?
  7. Etc…

Dans son épilogue à Figures de l’immanence François Jullien écrivait P.268: « N’y-aurait-il pas une chance pour la philosophie contemporaine, à pouvoir revenir de la fausse évidence de ses découpages(…) en rencontrant une autre pensée (…) c’est-à-dire en faisant l‘expérience d’une autre intelligibilité (autre non pas tant par ses contenus que par ses modes d’élaboration )? »