Présentation
Par François Jullien
Face à ce qui nous arrive, à l’apathie qui s’abat sur le Monde, dénoncer ne suffit plus.
Or, comme on ne peut plus souhaiter de grand Soir, de Révolution du monde, qu’il faut se défier aussi des utopies faciles, il conviendra d’introduire des dé- coïncidences qui fissurent cette passivité. Au pluriel, localement, à proximité, au fil des questions abordées : qui puissent inquiéter l’obédience sécrétée, plus encore que l’obéissance, et permettent d’en désadhérer.
Cela pour ouvrir la voie d’un commun effectif, à la fois social et politique.
Car la situation, en France comme en Europe, s’est fortement aggravée.
En France, la vie démocratique est menacée par la montée des extrémismes et des détestations ; comme aussi par le ressassement médiatique et l’étalement du conformisme. Sur quoi la démocratie n’a plus prise ; et à quoi il n’est répondu, le plus souvent, que par l’infantilisation et la démagogie. Le pays s’en trouve paralysé, se voit installé dans l’inertie, la rétractation des possibles et le renoncement, la perte de courage et de volonté. Les élections à venir risquent de chavirer dans l’ineptie.
Ce qui avait, d’autre part, entraîné la construction européenne, au titre de la paix instaurée et de la coopération économique et culturelle, ne la porte désormais plus assez. Tant la surcharge bureaucratique que le repli sous les bannières nationalistes l’inhibent et la stérilisent. Ils l’empêchent de mobiliser ses ressources et de retrouver une initiative historique face aux nouveaux Empires.
Une « seconde vie » de l’Europe est à promouvoir – faisant reparaître de l’« idéal » – qui s’oppose à son affaissement en cours.
Aussi avons-nous la responsabilité d’intervenir.
Non pour donner notre opinion, ce qui se fait partout, ou prendre d’emblée position, mais pour proposer de nouveaux concepts au débat. Ce qui implique de revenir en amont des coïncidences idéologiques établies, qui ne sont plus réfléchies, et de pouvoir s’en décaler.
Car nombreux sont ceux qui ne se résignent pas à cet état de choses, mais ils ne font pas nombre.
D’où la création, à partir du chantier conceptuel ouvert par Francois Jullien, de l’Association dé-coïncidences, à entendre, non pas en slogan, mais en tension.
Dé-coïncidences y dit l’ambition de nourrir une conscience réflexive par écart d’avec les impensés si généralement distillés. Comme aussi par défiance à l’égard des mots d’ordre et des conduites qui sont abruptement imposés.
Pour que, au travers des pratiques les plus diverses, se fêle l’atonie ambiante ; et que s’ouvrent de nouvelles lignes de travail et d’engagement.
Pour une participation active – d’exigence philosophique – à la vie publique.